Les rites forestiers.

L'esprit des forêts - la forêt de Chaux - les vieux métiers

 photo EDF

 Je touche du bois !

Voici une formulation qui est parvenue jusqu'à nous et que l'on entend encore fréquemment. Cette formule "magique" est sensée nous protéger du mauvais sort. Elle semble remonter aux temps les plus reculés, attestée au Moyen Age mais qui prend sans doute racine aux origines de l'humanité. Elle attire notre attention sur les valeurs intrinsèques associées au bois, qui lui ont conféré cette réputation qui a traversé les siècles. En ce qui nous concerne, en tant que Bon Cousin Charbonnier, nous avons en héritage un témoin probant des vertus associées au bois. Il s'agit de cette pièce étrange d'environ 30 cm (une coudée) que l'on voit fréquemment sur les documents appartenant aux Bons Cousins et que l'on nommait "enchantillon". Il en est un des symboles principaux souvent associé à la hachette et disposés l'un par rapport à l'autre en croix de saint André. Cet enchantillon était suspendu au cou du charbonnier par une tresse de cuir et on lui attribue plusieurs fonctions. La première, très pragmatique, aurait été de lui servir de règle afin de mesurer son travail (longueur de la coupe, hauteur de la meule, etc.). La seconde, plus en rapport avec notre interrogation du jour, aurait servi aux Bons Cousins à désigner les denrées qu'ils souhaitaient acheter chez les commerçants. Ceci nous renvoie aux origines de la population des forêts, ces dernières ayant   depuis toujours accueilli ceux qu'on ne voulait pas voir ni en ville, ni au bourg : les pestiférés, les diformes, les "fous", les bâtards ainsi que ceux qui avaient intérêt à se soustraire à la justice urbaine. On retrouve le mythe de la Forêt de Sherwood et des joyeux compagnons de Robin des Bois. Le bois ayant pour spécificité de ne pas transmettre les microbes, les métiers associés à celui-ci furent massivement accaparés par les groupes sociaux suspectés  de "contaminer" les autres. Cette thèse est vérifiée avec les Cagots du sud de la France. Au delà de cet élément concret associé au bois, il a fait l'objet d'une vénération qui s'est estompée compte tenu de l'apparition de matériaux nouveaux mais qui susbsite encore dans nos inconscients. Il reste un matériau vivant dont le symbolisme a habité nos ancêtres. Debout en tant qu'arbre, il est le lien entre le ciel et la terre. Il est l'union de l'eau, de la terre et de l'air. Il permet le feu qui nous a chauffés, éclairés, qui a cuit nos aliments et éloigné les bêtes sauvages, ce qui l'a fait considérer comme magique et sacré. Compagnon bénéfique de nos existences passées on comprend aisément sa persistance dans nos mémoires. Aussi convient-il de véhiculer cette tradition et de continuer à "toucher du bois !"

Pour en savoir plus, voir un numéro spécial du magazine Historia de juillet-août 2012 intitulé "A lorigine des superstitions"